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  • Point de vue de Syllien
  • Point de vue de Rysõs (le père)

— Bonsoir Syllien, comment s’est passé ta première division de cy…
— Père, est-ce vrai ce qui se dit sur la légende du Δαίδαλος ? le coupai-je de manière brutale.
— Bonsoir… disais-je !
— Oui pardon père, bonsoir. Cette première division de cycle s’est bien déroulée ; je suis juste un peu fatigué.
— Et que dit-on exactement sur cette légende ? reprit-il alors sans relever.
— Et puis d’ailleurs où en as-tu entendu parler en ces termes ?

En règle générale, le Δαίδαλος n’est évoqué que par l’appellation de « Grand Tournoi des Univers » ou GTU ; bien moins mystique et attirant comme nom à mon goût. Je me suis toujours demandé qui établissait les noms des légendes et des mythes, ils sont toujours tellement pompeux, à la limite de l’emphase.

— En cours de « Sciences des Univers » ; lui répondis-je. C’est au programme de ce cycle. Notre grand enseignant nous a expliqué que le dernier tournoi remontait à plus de 2,5 milliard de quatå et que le prochain devrait se produire dans moins de 500 millions de quatå. Et même que…
— Et bien dis-moi, cela ne te ressemble pas vraiment d’être aussi pointu sur une matière, me répondit-il alors, esquissant un léger sourire à peine masqué.

Le genre de sourire complice qui me manquait cruellement en ce moment.

— Ce n’est pas très gentil ça ! répondis-je à peine surpris.

Nous partîmes alors tous les deux dans un éclat de rire aussi franc que spontané.

— Viens avec moi mon fils, il est tant que nous ayons une petite discussion sur ce sujet.
Considérons que ce sera notre petite histoire rituelle du soir.

La légende du GTU était ce genre de mythe profondément ancré dans notre civilisation au même titre que la légende de la « Terre de Surface » qui nous était contée, sinon promise, depuis notre plus jeune âge. Si les mouvements tectoniques de notre écorce planétaire pouvaient nous laisser entrevoir cette dernière comme plausible, celle d’un hypothétique tournoi inter-Univers ayant lieu en moyenne tous les 3 milliard de quatå, en revanche… Et pourtant celui-ci était enseigné à partir du 19ème cycle d’enseignement au même titre que les autres matières primordiales. Ce cycle d’enseignement était d’ailleurs clôturé par l’intervention d’un membre du Haut Conseil en personne. Il se dit même que c’est à cause de ce tournoi que le service de défense obligatoire a été mis en place il y a quelques centaines de millions de quatå.

— Alors, dis-moi, que veux-tu savoir exactement ?
Te connaissant, j’imagine que tu n’as pas osé poser une question par peur du ridicule.
— Eh bien voilà, j’ai bien compris les grandes lignes du cours mais je n’arrive pas à comprendre comment nous pourrions accéder à un tel tournoi alors que nous n’avons jamais réussi à nous extraire de notre planète. Il me parait peu sérieux d’imaginer que le tournoi puisse avoir lieu sur notre planète. Mais surtout, est-ce…
— Une question à la fois mon fils. Ta curiosité sera satisfaite,
dans la mesure de mes connaissances, mais je ne suis pas un de tes enseignants et je n’ai plus la technique nécessaire pour te répondre à plusieurs questions à la fois.
— Excuse-moi, j’oublie parfois…
— Ce n’est pas grave et tu n’as pas à t’en excuser mais tâche de t’en souvenir, cela évitera de me mettre mal à l’aise.
— Bien, je ferai attention à l’avenir.
— Si je me souviens bien des cours du 19ème cycle, en tout cas des premiers et s’ils n’ont pas trop changés ; il me semble que sont évoqués les grandes figures de l’armée nouvelle mise en place justement afin de préparer les futurs candidats potentiels à ce tournoi. Un focus particulier est réalisé sur Rysostène, le Grand Tùran, premier représentant de notre civilisation moderne à cet évènement. Les règles connues et transmises depuis des générations concernant ce tournoi vous seront dispensées au cycle prochain mais aucun cours ne pourra répondre réellement à cette question. Car si Rysostène a bien quitté notre planète pour participer à cette bataille, ce qui répond bien à une partie de ta question, – non les batailles n’ont pas lieu sur notre planète – en revanche, personne ne sait vraiment comment il s’est rendu sur les lieux. Et puisqu’il n’en est pas revenu, il n’a pas pu nous le raconter.

A nouveau, je constatai ce léger mouvement de lèvre qui trahissait une forme d’ironie qui voulait dire quelque chose comme « j’en sais bien plus que cela et je sais que tu meurs d’envie de savoir le fond de ma pensée mais je ne te dirai rien » …

— Mais revenons-en à ta seconde question. Et bien disons que…
quelle était-elle d’ailleurs cette deuxième question ?

Cette fois-ci ne n’étais pas ses lèvres qui trahissaient sa pensée mais sa glabelle qui s’était imperceptiblement froncée, indiquant une légère, mais non moins réelle inquiétude.

— Je ne te l’ai pas encore posée, lui répondis-je.

Cette fois, c’était moi qui arborait un sourire bien moins habilement dissimulé, il faut l’avouer. J’avais encore beaucoup de choses à apprendre sur la transmission d’information non verbale. Même si les cours de cette discipline ne démarreront pour moi que dans 3 cycles, je n’étais pas complètement ignorant sur le sujet.

— Notre grand enseignant nous a appris que la récompense du Δαίδαλος était une « Orbe » de puissance, et que celle-ci avait le pouvoir d’accomplir ce que tout être vivant était en mesure d’attendre de son existence, peut-on en conclure qu’elle aurait la possibilité d’exaucer les aspirations les plus surréalistes et les plus personnelles ?

Nul doute qu’avec une telle formulation, mon père ne pouvait que comprendre aisément ce que trahissait cette question faussement puérile. Et pas besoin d’avoir des connaissances très affutées dans le domaine de la TINV pour deviner l’excitation que provoquait en moi le simple fait de la poser en ces termes et à cet instant si particulier…

— Encore une fois, personne ne peut nous le raconter et aucun écrit certifié ne peut l’attester… Il marqua une infime pause dans sa réponse comme s’il souhaitait mettre une sorte de ponctuation solennelle juste après avoir prononcé ces derniers mots puis repris tout aussi subrepticement la suite de sa réponse.
… mais selon le Dogme des Esprits Connectés, il semble en effet que tel serait le cas. Mais la transmission des connaissances de ce Dogme ne se fera dans aucun établissement d’enseignement reconnu par le gouvernement comme tu le sais.

Si le GTU faisait consensus depuis des millions de quatå ; on pouvait au moins lui accorder le bénéfice du doute mais alors là, évoquer aussi simplement que le temps qui passe le fameux DEC, on frise l’abus d’algues. Je n’aurais jamais pensé mon père capable d’accorder du crédit à ce conte pour enfant. Décidément c’est une soirée mythes et légendes anciennes ce soir…

— Tu ne vas quand même pas me dire…
— Non je ne vais plus rien te dire pour ce soir, il est temps de te reposer à présent,
les jours à venir vont être denses mon fils.

Aucune expression ne semblait se dégager du visage de mon père lorsqu’il prononça ces mots, malgré tout je me surpris à interpréter une lueur inédite lui venant du fond de ses yeux… ou alors je perdais simplement l’esprit. Il faut dire que cette première division de cycle fut particulièrement riche en nouvelles informations et le reste du programme s’annonçait bien plus copieux et éprouvant encore.

Je m’endormis assez rapidement ce soir-là, en scrutant les fonds extérieurs et en m’émerveillant une fois de plus sur leur immensité et leur richesse. Un espace aqueux gigantesque, non encore – ou déjà – complètement exploré, empli de créatures aussi diverses que variées et dont la grande majorité est totalement inconsciente de sa propre existence. Nous ne sommes certes pas la seule espèce douée de conscience mais imaginer des être vivants dépourvus de raisons…

Et si l’Orbe pouvait me donner le pouvoir de faire la faire revenir…

C’est bien cela au fond, je l’espère, ce que mon père avait compris de ma question.

— Bonsoir Syllien, comment s’est passé ta première division de cy…
— Père, est-ce vrai ce qui se dit sur la légende du Δαίδαλος ?

Une fois de plus, j’étais coupé dans mon élan, tout évolue mais rien ne change, me disais-je avec tendresse.

— Bonsoir… disais-je !
— Oui pardon père, bonsoir. Cette première division de cycle s’est bien déroulée ; je suis juste un peu fatigué.

Il n’était pas nécessaire de relever, depuis la disparition d’Horriane, il avait définitivement franchi un cap psychologique et quelque peu changé, je ne pouvais pas l’en blâmer.

— Et puis d’ailleurs où en as-tu entendu parler en ces termes ?

En règle générale, le Δαίδαλος n’est évoqué que par l’appellation de « Grand Tournoi des Univers », il serait bien surprenant que ce soit un de ses enseignants qui ai utilisé ce terme, a moins que...

— En cours de « Sciences des Univers » ; lui répondis-je. C’est au programme de ce cycle. Notre grand enseignant nous a expliqué que le dernier tournoi remontait à plus de 3 milliard de quatå et que le prochain devrait se produire dans moins de 500 millions de quatå. Et même que…
— Et bien dis-moi, cela ne te ressemble pas vraiment d’être aussi pointu sur une matière, lui répondis-je alors en esquissant un léger sourire à peine masqué.
Le genre de sourire complice dont j’avais le secret et qui, je le savais, était de nature à l’apaiser.
— Ce n’est pas très gentil ça !

Nous partîmes alors tous les deux dans un éclat de rire aussi franc que spontané.

— Viens avec moi mon fils, il est tant que nous ayons une petite discussion sur ce sujet.
Considérons que ce sera notre petite histoire rituelle du soir.

Il existe des phases importantes dans l’éducation d’un hydralien, et d’autres cruciales. La transmission du « don familial » fait partie de cette seconde catégorie. Ce soir, je débutais, à son insu, la phase de transmission de ce don à mon fils. J’en était soudainement autant ému qu’effrayé.

— Alors, dis-moi, que veux-tu savoir exactement ?
Te connaissant, j’imagine que tu n’as pas osé poser une question par peur du ridicule.
— Eh bien voilà, j’ai bien compris les grandes lignes du cours mais je n’arrive pas à comprendre comment nous pourrions accéder à un tel tournoi alors que nous n’avons jamais réussi à nous extraire de notre planète. Il me parait peu sérieux d’imaginer que le tournoi puisse avoir lieu sur notre planète. Mais surtout, est-ce…
— Une question à la fois mon fils. Ta curiosité sera satisfaite,
dans la mesure de mes connaissances, mais je ne suis pas un de tes enseignants et je n’ai plus la technique nécessaire pour te répondre à plusieurs questions à la fois.
— Excuse-moi, j’oublie parfois…
— Ce n’est pas grave et tu n’as pas à t’en excuser mais tâche de t’en souvenir, cela évitera de me mettre mal à l’aise,
et de me rappeler à mon triste sort.
— Bien, je ferai attention à l’avenir.
— Si je me souviens bien des cours du 19ème cycle, en tout cas des premiers et s’ils n’ont pas trop changés ; il me semble que sont évoqués les grandes figures de l’armée nouvelle mise en place justement afin de préparer les futurs candidats potentiels à ce tournoi. Un focus particulier est réalisé sur Rysostène, le Grand Tùran, premier représentant de notre civilisation moderne à cet évènement. Les règles connues et transmises depuis des générations concernant ce tournoi vous seront dispensées au cycle prochain mais aucun cours ne pourra répondre réellement à cette question. Car si Rysostène a bien quitté notre planète pour participer à cette bataille, ce qui répond bien à une partie de ta question, – non les batailles n’ont pas lieu sur notre planète – en revanche, personne ne sait vraiment comment il s’est rendu sur les lieux. Et puisqu’il n’en est pas revenu, il n’a pas pu nous le raconter.

C’était clairement du sarcasme de ma part, mais l’idée était surtout de piquer sa curiosité.

— Mais revenons-en à ta seconde question. Et bien disons que…
quelle était-elle d’ailleurs cette deuxième question ?

J’ai bien failli aller un peu trop vite en besogne. J’espère qu’il n’a pas trop étudié l’ouvrage que sa mère lui a offert sur la TINV (Transmission d’Information Non Verbale) sinon il pourrait remarquer le très léger mouvement de ma glabelle et il pourrait en comprendre significativement le sens…

— Je ne te l’ai pas encore posée, me répondit-il en esquissant un sourire maladroitement dissimulé.
Mais c’est qu’il tenterait de jouer à mon propre jeu ! Bon il a encore quelques progrès à faire pour jouer avec ses expressions faciales de manière subtile mais l’intention est là, l’effort est notable.
— Notre Grand Enseignant nous a appris que la récompense du Δαίδαλος était une « Orbe » de puissance, et que celle-ci avait le pouvoir d’accomplir ce que tout être vivant était en mesure d’attendre de son existence, peut-on en conclure qu’elle aurait la possibilité d’exaucer les aspirations les plus surréalistes et les plus personnelles ?...

Beaucoup moins subtil pour le coup. C’est bien ce que je pensais, il va se mettre en tête d’aller conquérir ce trophée pour tenter de ramener sa sœur jumelle à la vie. S’il savait à quel point cela était totalement hors de sa portée mais surtout totalement inutile. Il pourra la retrouver sans cela, enfin je l’espère pour lui. Car s’il compte sur les promesses du gouvernement et de sa politique d’allongement de la vie ; leur fameux « miracle de l’immortalité », il risque bien d’être déçu.

— Encore une fois, personne ne peut nous le raconter et aucun écrit certifié ne peut l’attester…

Bien, nous y sommes, premier essai…

— …
mais selon le Dogme des Esprits Connectés, il semble en effet que tel serait le cas. Mais la transmission des connaissances de ce Dogme ne se fera dans aucun établissement d’enseignement reconnu par le gouvernement comme tu le sais.
— Tu ne vas quand même pas me dire…

La graine a pris ! me réjouissais-je intérieurement, presque soulagé en fin de compte. Cela ne sera pas simple mais il a le don… Il venait d’entendre sans s’en rendre compte, une de mes pensées structurée et complexe non parlée.

— Non je ne vais plus rien te dire pour ce soir, il est temps de te reposer à présent,
les jours à venir vont être denses mon fils.

Je réunissais tout mon talent de maitre de la TINV pour ne rien trahir de mes émotions, à leur paroxysme. C’était finalement un jour aussi important pour moi que pour lui et je devais me montrer à la hauteur. Je commencerai demain ; en attendant je le laissais entrevoir une infime partie de la profondeur de mon esprit à travers mon regard.

Bientôt nous n’aurons plus besoin de nous parler pour nous comprendre…

Et oui c’est bien comme cela que j’avais compris ta question, mon fils.

Syllien ne le savait pas encore mais les promesses du grand conseil qui prédisait une « avancée majeure dans le prolongement de la vie » sur Hydraliå, n’allaient jamais aboutir ; condamnant pour les temps infinis, l’espérance de vie de ces occupants, les Hydraliens, à quelques centaines de quatå tout au plus. Ce qui n’était déjà pas mal comparativement au début de cette civilisation dont l’espérance de vie originelle n’était que d’un quart de quatå, et actuellement de 70 quatå en moyenne. Rien qui ne lui aurait donc permis d’atteindre « de son vivant » la prochaine itération de ce Grand Tournoi des Univers…

En revanche, son avenir lui réservait un destin hors du commun et non moins héroïque. Il allait devenir, sous l’influence de son père, le prochain grand Ordonnateur du Dogme des Esprits Connectés. C’est notamment sous sa gouvernance que le dogme passera du statut de groupuscule secret à une caste digne de ce nom. Caste, non moins secrète, mais bien plus active et présente en filigrane dans les sociétés à venir d’Hydraliens supérieurs d’un genre nouveau.

Mais c’est surtout de cet ordre nouveau, qu’une certaine Hydrillia, qui en sera l’une des plus dignes héritières et qui se verra consacrée Grande Ordonnatrice à son tour, obtiendra sa place lors de la treizième bataille, dans quelques 15,6 milliards de quatå ; en dévoilant au monde entier l’incroyable puissance du pouvoir des esprits connectés.


Ce récit se situe entre le sixième et le septième grand tournoi des univers, environ 320 aἰών après Ō.

  • DECRYPTAGE ! SPOIL !

Certains passages sont en italique et c'est bien entendu volontaire de ma part. Ces passages sont des éléments du dialogue qui ne sont pas prononcés oralement. C'est une des capacités qui est à l'origine de la création du Dogme des Esprits Connectés ; elle permet une communication instantanée entre deux esprits, quelle que soit la distance qui sépare ces derniers.